Mai 28 2008

Proposition de loi visant à sanctionner la vente d’objets liés au nazisme ou à d’autres auteurs de crimes contre l’humanité

Les atrocités commises par les nazis nous imposent un devoir de mémoire qui doit s’accompagner d’une grande vigilance à l’égard de toute tentative de réhabilitation, de célébration, ou tout simplement de banalisation des crimes qui ont été commis, et de l’organisation qui les a planifiés.

La vente d’objets nazis constitue une des formes insidieuses que peuvent prendre ces tentatives. Aussi convient-il de réaffirmer clairement, par une disposition pénale dépourvue d’ambiguïté, que ce type de transaction ne saurait être acceptable d’aucune façon sur le territoire de la République française, quelque forme qu’elle prenne.

Certes, deux séries de dispositions peuvent, en l’état actuel du droit, être utilisées pour sanctionner ce type de pratiques :

– l’article R. 645-1 du code pénal punit de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe – 1 500 euros au plus, c’est-à-dire l’amende la plus élevée en matière de contraventions – le fait de porter ou d’exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant ceux que portaient, notamment, les nazis ;

– l’article 24, cinquième alinéa, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront fait l’apologie des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité par différents moyens, et notamment par des écrits, imprimés, dessins, gravures, emblèmes vendus, ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics.

Dans une décision très commentée, la Cour d’appel de Paris a confirmé, le 6 avril 2005, que ces deux incriminations pouvaient être retenues à l’encontre de la société Yahoo, à la suite de la vente aux enchères par un particulier, sur le site « yahoo.com », d’objets nazis.

Toutefois, ces deux dispositions pénales ne permettent de sanctionner qu’indirectement, et sous certaines conditions, la vente d’objets nazis.

On relèvera en effet que ce que sanctionne l’article R. 645-1 du code pénal, ce n’est pas la vente même d’objets nazis, mais leur exhibition qui en constitue une sorte de préalable. On peut se demander, dans ces conditions, si un trafic d’objets nazis qui respecterait un minimum de discrétion ne pourrait échapper à cette incrimination.

Quant au délit d’apologie de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, il ne peut s’appliquer à la vente d’objets nazis que si ceux-ci sont présentés sous un jour susceptible d’être considéré comme favorable à l’idéologie nazie.

Outre le risque que certaines ventes puissent échapper à toutes poursuites, ces deux dispositions présentent en outre l’inconvénient, du fait qu’elles ne les sanctionnent qu’indirectement, de semer le doute chez les justiciables, voire chez les personnels de police ou de gendarmerie appelés à venir les constater.

Pour toutes ces raisons, il paraît utile de compléter le dispositif actuel par une troisième disposition sanctionnant directement et explicitement la vente d’objets nazis, et plus généralement la vente d’objets liés à des personnes ou des organisations reconnues coupables de crimes contre l’humanité.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Son article unique insère dans le chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal une section 5 intitulée « De la commercialisation d’uniformes, insignes, ou emblèmes rappelant ceux d’organismes ou de personnes responsables de crimes contre l’humanité », comportant trois articles.

L’article 431-22 érige en délit et sanctionne d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait de proposer à la vente un uniforme, un insigne ou un emblème lié au nazisme ou à d’autres auteurs de crimes contre l’humanité.

Il propose de doubler ces peines lorsque ces faits sont commis par un procédé de communication au public par voie électronique.

Comme le dispositif de l’actuel article R. 645-1 du code pénal, la proposition de loi prend le soin de préciser que le délit n’est pas constitué si la vente est opérée pour les besoins d’un film, d’un spectacle ou d’une exposition comportant une évocation historique.

Il définit les objets concernés par référence au traité instituant le Tribunal de Nuremberg et aux dispositions législatives nationales définissant le génocide et les autres crimes contre l’humanité.

L’article 431-23 définit les peines complémentaires encourues par les personnes physiques responsables de ces délits.

L’article 431-24 précise les peines encourues par les personnes morales qui se rendraient coupables de ces délits.

Cette proposition de loi peut être consultée ici.