Déc 14 2009

Elections des députés des Français de l’étranger

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer ma courte intervention par, une fois n’est pas coutume, des félicitations et des remerciements, en ce moment particulièrement solennel, historique, même, pour les Français établis hors de France.

Remerciements et félicitations aux députés, qui ont compris que le sens de l’intérêt général voulait, à la fois, que l’on n’augmente pas leur nombre, en instaurant un plafonnement à 577, mais aussi qu’on laisse une place à des élus pour ces 2,3 millions Français de l’étranger, qui portent haut les couleurs de notre pays et se battent au quotidien pour le renforcement de notre influence et la promotion de nos intérêts, notamment en matière économique, culturelle et scientifique.

Remerciements aussi, et surtout, au Président de la République, pour avoir compris qu’il importait que nos compatriotes, parce qu’ils sont partie intégrante de la nation, soient eux aussi représentés à l’Assemblée nationale, et pour ne pas avoir hésité à proposer, avec beaucoup de courage, un changement de la Constitution en ce sens.

Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire voilà une dizaine d’années, cette non-représentation des Français de l’étranger était inacceptable parce qu’elle enfreignait les principes d’égalité et d’indivisibilité de la nation, principes intangibles depuis 1791, qui prohibent toute discrimination en fonction de l’attache territoriale lors de la désignation des représentants de la souveraineté nationale.

Certes, les Français de l’étranger ont été représentés au Conseil de la République dès 1946, et le général de Gaulle avait tenu à ce que cette représentation au Sénat figure expressément dans la Constitution de 1958. Mais rien ne pouvait remplacer à leurs yeux une représentation dans les deux assemblées.

Remerciements à vous, monsieur le secrétaire d’État, et à vos équipes, pour avoir su nous associer, sénateurs et représentants d’associations, au processus de consultation, de réflexion et de décision relatif à la définition des circonscriptions et à l’élaboration des modalités d’élection.

Je ne reviendrai pas sur notre déception de voir une seule circonscription, la onzième, englober près de la moitié du monde, de la Russie à l’Australie, en passant par la Chine et l’Inde. Je sais bien qu’il s’agit d’un impératif du Conseil constitutionnel, découlant d’un critère démographique. Je regrette toutefois qu’il soit basé sur les statistiques du 1er janvier 2006, car, depuis lors, nos compatriotes se sont établis en nombre croissant dans cette région du monde, et nous devons les y encourager.

Merci aussi d’avoir accepté que nous continuions à travailler ensemble au sein d’un groupe de travail appelé à préparer les décrets d’application. Mais je voudrais à nouveau vous exhorter, monsieur le secrétaire d’État, à la plus grande vigilance en ce qui concerne la préparation de ces élections législatives, afin que tout soit mis en œuvre pour que les Français de l’étranger puissent participer en nombre à ces élections.

Vous le savez, le fléau de l’abstention sévit aussi, hélas ! chez les Français de l’étranger. Les raisons en sont nombreuses, et je voudrais en particulier citer l’interdiction, jusqu’à une date très récente, de toute propagande électorale, y compris au sein de l’Union européenne, mais aussi des listes électorales consulaires mal tenues et, surtout, l’éloignement des centres de vote.

J’aimerais également rappeler que les chiffres de l’abstention sont artificiellement et mécaniquement gonflés par cette mauvaise tenue des listes électorales. En effet, nombre d’électeurs se trouvent encore inscrits sur les listes alors qu’ils ont quitté la circonscription, parfois depuis de nombreuses années.

Quel serait le taux de participation si les électeurs de Marseille ou de Bordeaux devaient se rendre à Paris deux fois, à quinze jours d’intervalle, pour voter ? Le vote par procuration ne peut être une solution, d’une part, parce que beaucoup considèrent qu’une telle procédure ne respecte pas le secret du vote et, d’autre part, parce qu’il nécessite des déplacements parfois longs et coûteux.

Dans une proposition de loi, déposée en 2007 et cosignée avec six de mes collègues, MM Cantegrit, Cointat, Duvernois, Ferrand, Guerry et Mme Kammermann, nous demandions le rétablissement du vote par correspondance, aboli en 1975, pour toutes les élections à l’étranger, qui n’est actuellement applicable qu’à celles à l’AFE. Une autre proposition de loi, déposée le 15 mai 2009, cosignée également par six sénateurs des Français établis hors de France, tend à autoriser la propagande électorale – indispensable pour obtenir un meilleur taux de participation – pour les élections à l’étranger.

Il serait par ailleurs nécessaire de mettre en place des campagnes d’information et de communication pour compenser l’éloignement de nos compatriotes vivant hors de l’Hexagone, qui souffrent d’un déficit d’information.

Les moyens adéquats doivent être mis en place par la loi, comme cela m’avait été rappelé lorsque j’avais protesté il y a une dizaine d’années auprès des services d’information du Premier ministre : à l’époque, les élections prudhommales bénéficiaient d’une campagne d’information télévisée dont le coût était supérieur à 1,7 million d’euros, hors achats d’espace, alors que les élections de l’Assemblée des Français de l’étranger n’avaient, quant à elles, même pas obtenu une seule ligne d’annonce dans la presse nationale.

Monsieur le secrétaire d’État, les Français de l’étranger sont privés de toute possibilité de vote et, a fortiori, de représentation au Parlement européen depuis la régionalisation de 2003. Je voudrais vous exhorter à veiller à ce qu’ils puissent, en cohérence avec la réforme constitutionnelle du 21 juillet 2008, être aussi représentés à l’échelle européenne avec la création d’une circonscription spécifique demandée par l’Assemblée des Français de l’étranger depuis 1993 et donc la possibilité pour eux de voter depuis leur pays de résidence.

J’aurais souhaité que les deux postes offerts à la France à la suite de l’adoption du traité de Lisbonne leur reviennent. Il n’en a pas été décidé ainsi, et je le regrette.

Nous comptons toutefois sur votre soutien pour que les Français de l’étranger puissent enfin, en 2014, apporter au Parlement européen, qui en a grand besoin, l’éclairage de leur expérience et de leurs compétences propres en matière internationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)