Mai 03 2011

Accord franco-britannique en matière de défense

Intervention dans la séance du 3 mai 2011 :

Mme Joëlle Garriaud-Maylam: Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de féliciter notre collègue Xavier Pintat de son rapport sur ce sujet qui est non seulement technique, mais également politique. Ce projet de loi s’inscrit en effet dans la logique politique de Saint-Malo, renforcée en novembre dernier par les accords de Londres.

Je souhaite également remercier M. le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, tant pour son action que son engagement personnel lors du 31e sommet franco-britannique, qui a abouti à deux traités de coopération en matière de défense et de sécurité entre nos pays. (M. Robert del Picchia applaudit.)

Dernière oratrice de la discussion générale sur ce projet de loi, « last but not least », pour reprendre une expression de nos amis anglais, je ne reviendrai pas sur le fond du volet technologique relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques. Mon excellent collègue et rapporteur Xavier Pintat s’est brillamment livré à cet exercice. Afin d’éviter toute redite, je concentrerai mon propos sur quelques points qui me tiennent particulièrement à cœur.

Douze ans après le sommet de Saint-Malo, malgré les idées reçues, malgré un environnement fortement marqué par l’euroscepticisme, y compris en matière de défense, ce sommet a démontré que l’Europe de la défense avançait et qu’elle devenait une réalité.

Ces accords interviennent dans un contexte de grave crise économique. Or nous le savons, dans un tel contexte, ce sont souvent les programmes d’armement et d’équipement qui sont les premières victimes des rabots budgétaires. À l’occasion de la dernière réunion de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN à La Haye, j’ai pu prendre la pleine mesure de ces réductions budgétaires, qui sont drastiques chez certains de nos partenaires. Nos hôtes néerlandais nous ont annoncé un milliard d’euros d’économies d’ici à 2014, dans le cadre d’une réduction considérable de leur flotte de F 16 AMBM et d’hélicoptères Cougar, ainsi que du retrait de quatre-vingts chars de combat Leopard.

Pour une fois, nous pouvons nous féliciter : ces accords de défense démontrent que la crise économique peut être un catalyseur permettant aux Européens non seulement de travailler ensemble, mais aussi de rebondir et de faire avancer la défense européenne.

Plus encore qu’un leadership, la France et la Grande Bretagne créent une émulation. Les traités bilatéraux qui découlent du sommet de Londres ne sont pas « fermés ». L’Italie et l’Allemagne peuvent rejoindre cette coopération, dans la mesure où le choix de leur politique nationale leur en laisse la liberté.

Nous savons que le sujet des armes nucléaires ne présente pas, en Allemagne, les mêmes enjeux. Mais l’Union européenne est également riche de ses différences, l’essentiel étant de parvenir à les articuler sans qu’elles deviennent une entrave pour certains partenaires européens. Certes, l’Allemagne privilégie une défense antimissile, mais le dialogue reste ouvert.

Pour la France et le Royaume-Uni, qui sont deux puissances nucléaires, cette coopération instaure une interdépendance qui respecte la souveraineté de chacun. Il s’agit là d’une mutualisation des technologies qui n’altère pas nos capacités de dissuasion nucléaire respectives. La France et le Royaume-Uni sont en adéquation avec le nouveau concept stratégique de l’OTAN. Nos forces nucléaires participent pleinement à une dissuasion globale qui fonde le socle de défense collective.

D’ailleurs, il est heureux de constater la reprise par le nouveau gouvernement conservateur de David Cameron d’une feuille de route initiée par le Livre vert adopté précédemment par le gouvernement travailliste. Cette constance est exemplaire et responsable.

Une telle cohérence ne peut qu’être bénéfique aux industries de la défense, qui constituent, on le sait, de véritables leviers pour la société civile, grâce aux retombées économiques, mais aussi pour le monde de la recherche.

La stabilité en matière de loi de programmation militaire est un véritable garant face au risque de décrochage technologique et capacitaire. À l’heure où la France est engagée avec le Royaume-Uni dans bon nombre de processus de résolution de crises, cette remarque est d’autant plus vraie. Je pense non seulement à l’Afghanistan et à la Libye, mais aussi à la lutte contre la piraterie en mer, avec l’opération Atalante.

Le 3e sommet franco-britannique a aussi impulsé une dynamique de coopération parlementaire entre nos deux pays ; il se traduit par la ratification de deux traités.

À l’invitation du Président de la République, les présidents des commissions des affaires étrangères de nos deux assemblées se sont rendus à Londres, où ils ont pu échanger avec leurs homologues de la Chambre des Communes et de la Chambre des Lords et jeter les bases d’une véritable collaboration.

Sachons en convenir, c’est aussi la démonstration d’un renforcement du rôle des parlementaires, qui va au-delà du seul contrôle. Les parlementaires ont été associés en amont, il me paraît important de le souligner. En tant qu’élue des Français établis hors de France, membre du Conseil franco-britannique et secrétaire national de l’UMP aux relations franco-britanniques, je ne peux que me réjouir du renouveau de ce partenariat « bicaméral » entre nos deux pays.

Le traité qui nous occupe ce soir a pour objectif d’instaurer une coopération en matière de technologies relatives à la gestion des arsenaux nucléaires, afin de garantir nos capacités respectives de dissuasion nucléaire. Comme l’a très bien rappelé le président Josselin de Rohan en commission, ces accords sont aujourd’hui possibles grâce au retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN.

Rappelons-le, à elles seules, la Grande-Bretagne et la France prennent en charge 50 % des dépenses de défense des vingt-sept pays de l’Union et les deux tiers des dépenses en recherche et développement. Les deux puissances militaires européennes sont animées par la même volonté de réformer les structures de l’OTAN.

Ces accords mettent fin à l’idée selon laquelle l’Europe et l’OTAN seraient d’immuables concurrents. En d’autres termes, ils sont des porte-voix d’une Europe ambitieuse, efficace et active au sein de l’OTAN.

Cette convergence de politique est, à mon sens, primordiale et très encourageante pour l’essor d’une véritable défense européenne.

Concrètement, outre la relance des relations entre nos deux pays, cette coopération permettra à la fois l’utilisation conjointe des installations communes de Valduc, où devra être modélisée la performance de nos têtes nucléaires et des équipements associés, et l’installation du futur centre de développement technologique d’Aldermaston au Royaume-Uni.

Pour moi, ce partage des savoirs et l’utilisation commune des moyens durant cinquante ans sont aussi un gage concret et à long terme, pour cinquante ans, d’une plus grande sécurité et sûreté. Par ailleurs, en ces temps difficiles, ne négligeons pas l’économie, pour la France, de 500 millions d’euros, qui résultera de la répartition des coûts.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera en faveur de la ratification de ce texte, lequel apporte un nouveau souffle à la politique européenne de sécurité et de défense qui se construit chaque jour.

Enfin, en tant que parlementaire, je me réjouis tout particulièrement de la mise en place d’un groupe de travail, afin de suivre les évolutions de ce traité, notamment en termes financiers. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)