Déc 08 2011

Proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France

Intervention sur l’article 1 :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’octroi exclusif du droit de vote aux ressortissants nationaux est intimement lié à la définition même de la souveraineté des États-nations. Ce principe est aussi inscrit dans le droit international positif et dans sa jurisprudence.

Certes, madame la rapporteure, vous nous avez cité en exemple un tel octroi aux étrangers lors de la Révolution française, en 1793. Je souhaite néanmoins préciser que la Constitution montagnarde du 24 juin 1793, qui établissait la Première République, ne confiait cette capacité électorale qu’aux étrangers qui remplissaient certaines conditions ou qui étaient jugés par le corps législatif comme « ayant bien mérité de l’humanité ». Cette générosité n’était qu’apparente, car l’allégeance exigée aux principes de la Révolution équivalait au renoncement à toute autre appartenance.

Je veux également rappeler que, en octobre 1793, tous les étrangers appartenant à des États en conflit avec la France furent arrêtés et spoliés de leurs biens.

Dans le contexte du droit international positif, de l’esprit du droit, sur un plan purement juridique, dans la mesure où la citoyenneté découle d’une allégeance à la Nation, le vote des étrangers ne pourrait être légitimé que par l’existence d’une réciprocité, exigence généralement appliquée par nombre de pays ayant accepté le vote des étrangers pour certains scrutins.

Cette condition de réciprocité est d’ailleurs mise en exergue à l’article 88-3 de la Constitution, qui autorise le vote des ressortissants communautaires. Dès lors, comment peut-on envisager d’exiger moins des étrangers non communautaires que de nos concitoyens de l’Union européenne ?

Si l’on souhaitait octroyer le droit de vote aux ressortissants extracommunautaires, il faudrait donc négocier avec chaque pays pour que nos compatriotes expatriés qui y résident obtiennent des droits similaires.

Une telle démarche se révélerait extrêmement complexe et coûteuse, puisqu’elle rendrait nécessaire plus de cent cinquante négociations bilatérales, afin que nos expatriés dans les pays concernés puissent y voter. Elle serait, en pratique, impossible dans certains cas, puisque nombre d’États non démocratiques n’organisent aucune élection locale.

L’adoption d’une telle clause de réciprocité créerait alors une discrimination injustifiable parmi les étrangers non communautaires. Parfaitement intégrés en France, pourquoi devraient-ils encore être pénalisés par la nature du régime politique de leur pays d’origine ?

Au-delà des apories de la clause de réciprocité, c’est la conception même de la communauté politique qui est en jeu. Cette notion est essentielle pour que le droit de vote ait un sens, pour qu’il ne reste pas purement théorique, pour que lui soit conférée une portée politique réelle.

Or, en pratique, que constate-t-on ? En Finlande, où les ressortissants non communautaires votent depuis déjà quinze ans, la participation des étrangers aux élections municipales est extrêmement faible, puisqu’elle est plus de trois fois inférieure à celle des Finlandais. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

La faible identification de ces étrangers à la vie politique locale est le principal argument avancé pour expliquer ce phénomène.

Dès lors, mes chers collègues, est-il bien raisonnable d’octroyer un droit de vote alors que, jusqu’à présent, aucun besoin profondément ressenti n’a été exprimé, ni aucune revendication clairement formulée ?

L’abstention atteint déjà des niveaux alarmants. Ne l’aggravons pas davantage !

Pour éviter un tel écueil, il importe que la capacité à voter s’inscrive dans le cadre soit d’une volonté d’intégration politique poussée, comme dans l’Union européenne, soit de l’appartenance à une communauté culturelle et linguistique.

Cette dimension se trouve d’ailleurs au cœur de la législation de nombre de pays ayant accordé un droit de vote aux étrangers non communautaires. L’Espagne privilégie les ressortissants des pays hispanophones, le Portugal ceux des pays lusophones et le Royaume-Uni ceux du Commonwealth et les Irlandais.

Pour les étrangers extracommunautaires résidant durablement en France, la volonté de rejoindre cette communauté politique devrait alors se traduire par une naturalisation, plutôt que par l’octroi d’un droit de vote déconnecté de l’ensemble des autres droits et devoirs des citoyens. Ce serait la négation de ce qui fait l’essence même de notre citoyenneté, ce lien quasi sacré entre droit de vote et appartenance à la Nation.

Nous voulons que les étrangers établis de longue date sur notre territoire aient envie de rejoindre notre communauté nationale. Or ce ne sera plus le cas si nous bradons le droit de vote et de participation.

Comme l’a indiqué tout à l’heure Roger Karoutchi, la République française vaut bien mieux que cela ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Intervention sur l’article 2 :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’étonne de lire, dans le rapport de notre collègue Esther Benbassa, que la différence de droit, en matière de vote, entre les étrangers communautaires et les étrangers non européens constituerait une « asymétrie choquante ».

Je vois là, au contraire, le fondement essentiel de la citoyenneté européenne, telle qu’elle a été consacrée par le traité sur l’Union européenne de 1992, selon lequel est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre.

La loi organique du 25 mai 1998, transposant cette notion en droit français, a permis aux ressortissants européens de voter aux élections municipales depuis 2001. Si nous octroyons aux étrangers non communautaires les mêmes droits que ceux qui sont accordés aux ressortissants des États membres de l’Union européenne, nous diluerons le seul élément qui traduise, sur le plan de la citoyenneté, notre appartenance à l’Union. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)

À l’heure où la crise de la zone euro nous montre les limites d’une monnaie unique adossée à une Europe politique bien trop faible, nous devons, plus que jamais, renforcer cette citoyenneté européenne.

Vous me permettrez d’y insister, mes chers collègues, le droit de vote découle avant tout de la nationalité, et non pas de la résidence, a fortiori de la résidence fiscale – c’est un argument encore plus réducteur et dangereux.

L’important, me semble-t-il, est que les nationaux ne résidant pas dans leur pays puissent y jouir de droits politiques. À cet égard, la France a toujours joué un rôle pionnier et elle continuera dans cette voie, l’an prochain, avec l’élection, pour la première fois, de onze députés représentant les Français établis hors de France.

En tant qu’expatrié, bénéficier des droits civiques et politiques dans son pays de nationalité a beaucoup plus de valeur.

Pour dépasser la conception étriquée d’une citoyenneté conditionnée par la résidence et renforcer la dimension civique de la nationalité, il me semblerait opportun, plutôt que d’accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales françaises, de négocier avec les États étrangers pour qu’ils accordent à leurs expatriés des droits civiques aussi étendus que ceux que la France offre à ses propres ressortissants établis hors de ses frontières.

Nombre d’orateurs ont cité l’Irlande comme un exemple à suivre. Sachez, mes chers collègues, que les ressortissants irlandais habitant hors de leurs frontières n’ont aucun droit de vote dans leur pays de nationalité, et cela en totale conformité avec le droit international ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)