Juil 18 2012

Accord franco-allemand créant un régime matrimonial commun optionnel

Extrait du compte-rendu intégral du 18 juillet 2012 :

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour un rappel au règlement.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 16 de notre règlement, qui traite notamment de la publicité des débats de commission.

Comme il est d’usage, un compte rendu de la réunion de la commission durant laquelle a été examiné l’accord franco-allemand dont le projet de loi autorisant la ratification nous sera présenté cet après-midi a été porté en annexe de mon rapport. Cependant, l’une des interventions retranscrites contient une affirmation qui pourrait prêter à confusion et que je n’ai malheureusement pas pu rectifier sur-le-champ, étant en déplacement pour une journée à l’étranger. C’est le président de notre commission qui avait accepté de présenter mon rapport à nos collègues, ce dont je le remercie.

Il me semble donc important d’apporter une clarification en séance publique afin qu’elle apparaisse dans le compte rendu de nos débats.

Contrairement à ce que laisserait supposer le bon sens commun, lorsque l’on se marie dans un pays et que l’on réside dans un autre au moment où l’on décide de divorcer, ce n’est pas automatiquement la loi de l’État de résidence qui s’applique. Ce point est d’ailleurs tout à fait problématique, puisqu’il donne souvent lieu à une « ruée au tribunal », chaque conjoint tentant d’obtenir que le divorce soit jugé par la juridiction du pays dont la législation lui sera le plus favorable.

L’accord Rome III, qui vient d’entrer en vigueur le 21 juin dernier, traite justement de cette question. Il permet aux conjoints de déterminer en amont la législation applicable en cas de divorce et indique que, à défaut d’un tel accord, la compétence reviendra à l’État de résidence habituelle du couple. Mais cet accord ne lie que les quatorze pays de l’Union européenne qui en sont signataires. Pour les autres, la détermination de la loi applicable demeure sujette à ambiguïté, et le seul moyen de réduire cette vulnérabilité juridique est bien de signer un contrat de mariage.

Je précise également que, en matière de litiges conjugaux transfrontaliers, si plusieurs initiatives européennes, comme le règlement Bruxelles II bis, Rome III ou le présent accord franco-allemand, tendent à rendre compétentes les instances et la législation de l’État de résidence des couples et à faciliter l’exécution des décisions judiciaires d’un État dans un autre, il semble essentiel que ce mouvement d’intégration s’accompagne d’une harmonisation du droit matériel de la famille des États concernés. Sans cela, nous courrons le risque d’accepter des jugements contraires à notre propre droit ou aux principes fondamentaux européens.

Je pense en particulier au fait que, en droit allemand, le droit de garde peut être retiré à un parent à l’occasion d’une audience provoquée sur simple lettre de l’autre parent, lors de laquelle le parent incriminé n’a aucune possibilité de se défendre puisqu’il n’y est pas convié, les décisions n’étant pas susceptibles de faire l’objet d’un recours, ou encore au fait qu’une pension alimentaire peut être fixée, sans décision judiciaire, par l’Office allemand de protection de la jeunesse, qui en avance le décaissement au parent allemand et se retourne ensuite contre le parent français pour la recouvrir.

Européenne convaincue, et heureuse de défendre la ratification d’un accord franco-allemand qui constituera un progrès significatif pour de nombreux couples, je me devais toutefois d’exprimer ces quelques mises en garde.