Juil 25 2012

Divorces franco-allemands : des progrès, mais encore de lourds motifs d’inquiétudes

L’ensemble des parlementaires représentant les Français de l’étranger étaient ce matin réunis pour un petit-déjeuner de travail autour du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et de sa ministre déléguée Hélène Conway. Outre les mesures de la loi de finances rectificative (et en particulier la fiscalité des non-résidents et suppression de la prise en charge des frais de scolarité dans les lycées français à l’étranger), les débats ont  tourné autour des grandes problématiques intéressant nos communautés expatriées (protection sociale, scolarité, sécurité, PME, diplomatie économique et image de la France, réforme de l’AFE, questions transfrontialières, adaptation de la carte consulaire, consuls honoraires) . Mon collègue député Pierre-Yves Le Borgn’ et moi-même avons par ailleurs tenu à informer les ministres des graves difficultés rencontrées par certains parents français pour obtenir la garde -voire un simple accès- à leurs enfants franco-allemands.

Il faut bien sûr se garder de généralisations hâtives : des milliers de couples franco-allemands se séparent sans drame… et les conflits parentaux transnationaux ne concernent pas que l’Allemagne, mais aussi le Japon, la Russie, les États-Unis, les pays du Maghreb et bien d’autres États. Mais la persistance de cas de parents français littéralement empêchés par des tribunaux allemands de tout contact avec leurs enfants ne peut être ignorée.

D’autant que ces situations ne concernent pas qu’une poignée de parents français, mais aussi de nombreux autres parents européens. Depuis 2006, plus de 120 pétitions dénonçant les procédures allemandes en matière de divorce et de garde d’enfant impliquant un parent étranger ont été déposées au Parlement européen. Le 12 juillet 2012, la commission des pétitions a voté plusieurs recommandations ayant trait à de tels litiges, reconnaissant ainsi la réalité de problèmes dans la pratique judiciaire allemande.

L’arrestation d’Olivier Karrer, président d’une association d’aide aux parents confrontés à de tels conflits, et son extradition annoncée vers l’Allemagne (via l’Italie) met en lumière la très forte sensibilité politique de ces questions… avec un chef d’accusation grave (d’être à la tête d’un réseau international d’enlèvements d’enfants) paraissant en décalage total avec la réalité de ses activités de soutien aux parents et de médiatisation de leurs difficultés.

A la racine de ce qui est parfois qualifié « d’enlèvements légaux d’enfants » par l’Allemagne, se trouve sans nul doute une conception divergente du statut de l’enfant dans nos droits de la famille. Là où la France, en cohérence avec la Convention internationale des Droits de l’Enfant, estime que « l’intérêt supérieur de l’enfant » est de rester en lien avec ses deux parents, la loi allemande privilégie le maintien de l’enfant dans son lieu de sociabilisation – quitte à le couper du parent étranger. Comme je l’ai rappelé aux ministres, le Jugendamt est d’une redoutable efficacité dans la défense du parent allemand, là où nous sommes hélas beaucoup moins structurés, nos magistrats n’ayant d’ailleurs pas toujours une très bonne appréhension des subtilités du droit international de la famille  (une de mes toutes premières actions en arrivant au Sénat en 2004 avait d’ailleurs été d’insister pour que soit créée à l’Ecole nationale de la magistrature une  formation en ce domaine..)

Il est d’autant plus urgent d’agir que des accords comme Bruxelles II bis ou Rome III vont dans le sens de l’application de la législation de l’État de résidence habituelle du couple pour régler les conséquences d’un éventuel divorce sur le partage des responsabilités parentales. C’est la loi allemande qui s’appliquera donc le plus souvent aux divorces des couples franco-allemands installés dans ce pays.

Si le développement de l’entraide judiciaire au sein de l’Europe est à saluer, il est essentiel que celle-ci s’accompagne d’une harmonisation des législations familiales, de manière à ce que l’application de la loi de l’État de résidence ne puisse violer des principes fondamentaux des législations d’autres États de l’Union européenne.

J’ai appelé le gouvernement à agir d’urgence en ce sens à travers plusieurs initiatives :