Sep 05 2013

Comment la diplomatie française va se serrer la ceinture (Le JDD)

Article paru dans le Journal du Dimanche, jeudi 5 septembre 2013 :

Le ministère des Affaires étrangères, qui entreprend une vaste réforme de son réseau diplomatique, n’échappe pas aux contraintes budgétaires imposées par le gouvernement. Celles-ci seront plus grandes encore en 2014 et imposeront au Quai d’Orsay de « vendre davantage » son patrimoine à l’étranger.

Le plan de « rationalisation » de la diplomatie française, mené par Laurent Fabius au Quai d’Orsay, fait face à de plus en plus de contraintes. De 2013 à 2015, le réseau français, le 3e du monde après les Etats-Unis et la Chine, doit se réformer pour se redéployer dans des régions jugées prioritaires, comme l’Asie orientale. Au nom de l’efficacité, les représentations de la France ont déjà été supprimées dans quatre pays africains (Malawi, Gambie, Sierra Leone et Sao Tomé). De même, le dispositif a été allégé dans 13 autres Etats, parmi lesquels la Jamaïque, le Honduras ou le Népal. « Aucune ambassade ne va être rayée de la carte », promet-on toutefois au ministère des Affaires étrangères.

Mais le Quai d’Orsay ne cache pas les « contraintes budgétaires et d’emploi » auxquelles il est soumis. La diplomatie française va perdre sur trois ans 600 emplois, passant à 14.200 postes fin 2015. Paris cherche aussi à « rationaliser son immobilier », via notamment le regroupement au sein d’un même établissement de l’ambassade et la résidence de l’ambassadeur, ou la colocalisation, qui consiste à partager dans un pays les mêmes locaux avec d’autres représentations. Mais surtout, c’est la vente d’une partie du patrimoine français à l’étranger qui est ciblée par le ministère. Celui-ci est estimé à 5 milliards d’euros.

Vers un budget en baisse de 3% en 2014

Jusqu’à présent, le principe d’un système « à somme nulle » prévalait : ce qui était vendu pouvait être réinvesti ailleurs dans le monde pour rénover ou reconstruire. Ce sera bientôt de l’histoire ancienne. « Nous allons dépenser moins que ce qu’on gagne », indique le ministère. D’abord parce que la diplomatie doit désormais financer un plan de 20 millions d’euros de sécurisation globale des ambassades, dont la moitié viendra des cessions. Mais surtout en raison de la rigueur imposée par le gouvernement, qui s’accélèrera dès 2014, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ayant promis des « économies sans précédent » pour redresser les comptes de l’Etat.

Le ministère des Affaires étrangères semble avoir déjà pris acte de cet effort. Alors que la prochaine loi de finances est en préparation, il table sur une baisse de 3% de son budget, ce qui le contraindrait à dégager l’an prochain 32 millions d’euros d’économies sur les implantations de la France dans le monde. Au Quai d’Orsay, on se prépare donc à « réduire son ambition » sur les futures constructions et « vendre davantage ». Avec une inconnue de taille : soumises au marché, les cessions de biens sont par définition difficilement prévisibles. Cette incertitude sur la somme totale des ventes complique, de l’aveu même d’une source diplomatique, la réalisation de l’objectif fixé.

L’influence de la France remise en cause?

La vente du patrimoine français à l’étranger est par ailleurs loin de faire l’unanimité. La sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam suit de près cette question pour l’UMP. Pour elle, ces « réductions drastiques » constituent une « politique à très court terme » qui privilégie la vente dans l’urgence plutôt qu’aux prix du marché. « Il y a une différence entre rationaliser et vendre à tout prix, on ne peut pas brader notre patrimoine simplement pour faire des économies », explique l’élue au JDD.fr, évoquant par ailleurs le manque de transparence autour de ces transactions. En mai dernier, dans un rapport, la Cour des comptes critiquait quant à elle l’évolution du réseau diplomatique français. L’exigence de rationalisation n’avait, selon elle, pas encore été « concrétisée ». Malgré la réduction des effectifs, le coût du réseau avait même continué à progresser, de plus de 20% entre 2007 et 2012.

En réponse, le ministre Laurent Fabius promettait que son nouveau plan répondrait aux carences soulignées par la Cour. A condition toutefois de ne pas aller trop loin, prévient l’UMP, qui veille au respect du principe de l’universalité de la diplomatie française. « Le patrimoine est un outil d’influence considérable, qui permet en partie à la France d’être encore écoutée sur la scène mondiale », prévient Joëlle Garriaud-Maylam. « Il y a un besoin de prestige si on veut maintenir l’universalisme de la France », insiste la sénatrice des Français de l’étranger. « Universalité ne signifie pas exhaustivité », répond-t-on au Quai d’Orsay, qui juge indispensable de poursuivre la réorganisation de son réseau.