Avr 17 2014

Projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes

Mon intervention dans la discussion générale :

Madame la Présidente, Madame la Ministre, mes chers collègues,

Le projet de loi que nous examinons ce jour en deuxième lecture s’inscrit dans la continuité des politiques de réduction des inégalités entre hommes et femmes initiées par l’UMP ces dernières années, de la loi Ameline de 2006 à la loi Sauvadet de 2012, en passant par la loi de 2010 sur la violence faite aux femmes ou la loi de 2011 tendant à une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration, dont j’avais été rapporteur pour avis pour la délégation des femmes.

Le présent projet de loi couvre des domaines hétéroclites. Contrairement à ce que son intitulé annonce, il ne propose pas de cadre vraiment cohérent pour une approche intégrée de l’égalité. C’est un peu dommage.

De surcroît, certaines mesures risquent d’être contreproductives. Je pense en particulier au raccourcissement de la période de versement du complément de libre choix d’activité si le père ne prend pas au moins 6 mois de congé parental. Cette disposition part certes d’une bonne intention mais elle mettra dans la difficulté de nombreuses familles, étant donné la pénurie de places dans les modes de garde collectifs. Et ce sont les foyers modestes qui seront les plus pénalisés.

Vous avez parlé à plusieurs reprises d’ambition, Madame la Ministre. De manière générale, j’avoue être surtout frappée par un certain manque d’ambition dans les mesures proposées. Prenons un exemple concret, celui du recouvrement des pensions alimentaires.

L’article 6 prétend mieux protéger les familles monoparentales contre les impayés qui plongent des milliers de foyers dans la pauvreté. J’ajoute qu’aux difficultés matérielles s’ajoute la violence morale de voir le droit bafoué, et d’en être réduit à percevoir l’Allocation de Soutien Familial (ASF).

Face à ce défi, aucun dispositif novateur n’est proposé. Les modifications de l’ASF sont cosmétiques. Ne serait-ce que parce que dans 86% des cas l’ASF est inférieure à la pension due. Insatisfaisante pour les bénéficiaires, elle est très coûteuse pour l’Etat qui peine à obtenir de recouvrement auprès du parent défaillant.

L’urgence serait plutôt d’améliorer et d’accélérer le recouvrement, qui est un véritable parcours du combattant pour les mères seules.

• Un parcours coûteux, car les frais d’huissier ou d’avocat sont à avancer, sans garantie d’en obtenir un jour le remboursement par la partie adverse ;

• Un parcours terriblement long, du fait du cloisonnement des informations entre les différentes administrations, ce qui laisse toute latitude au parent défaillant pour organiser son insolvabilité ;

• Un vrai rocher de Sisyphe, car dès lors que le parent défaillant s’acquitte de sa dette, toutes les procédures sont à reprendre de zéro en cas de nouvel impayé.

Le projet de loi met en place une expérimentation pour renforcer le rôle des CAF dans le recouvrement. Soit. Mais avec quels moyens ? Les CAF sont déjà si débordées qu’elles sont parfois contraintes de fermer leurs bureaux au public pour traiter les dossiers en souffrance. Quels moyens budgétaires pour leurs nouvelles missions ?

Surtout, les CAF disposent-elles des leviers administratifs et juridiques nécessaires pour accélérer le recouvrement ? Cela nécessiterait un important travail de coordination entre divers organismes, et notamment une interconnexion des fichiers sociaux et fiscaux. Cela ne correspond pas au cœur de métier de la CAF. L’Assemblée nationale a d’ailleurs supprimé la possibilité de transmission directe par les CAF aux juges aux affaires familiales d’éléments relatifs à l’adresse et à la solvabilité des débiteurs, au motif que ce dispositif heurtait les droits de la défense.

C’est la raison pour laquelle je continue à plaider pour la création d’une véritable agence dédiée au recouvrement des pensions alimentaires, qui serait, elle, être dotée de moyens spécifiques.

Une telle agence serait particulièrement utile pour le recouvrement d’une pension alimentaire à l’étranger.

Lors du débat à l’Assemblée nationale, suite à une demande de Frédéric Lefebvre vous aviez, Madame la Ministre, annoncé la création d’une CAF qui se spécialiserait dans le recouvrement des pensions alimentaires pour les Français de l’étranger. Quel sera son périmètre ? S’agit-il de centraliser les demandes de Français vivant à l’étranger, ou cette CAF serait-elle aussi compétente pour le recouvrement des pensions dues par des résidents à l’étranger ?

Aujourd’hui, c’est le Bureau de recouvrement des créances alimentaires du Ministère des Affaires étrangères, qui fait l’interface avec les autorités étrangères. Mais il semble fort démuni en cas de mauvaise volonté de la partie adverse, ce qui conduit à des délais de recouvrement extrêmement longs. Je doute qu’un nouveau département de la CAF permette d’améliorer la situation.

Ce qu’attendent ces centaines de milliers de mères, c’est que l’Etat se donner les moyens de faire appliquer le droit, tel qu’énoncé par les juges aux affaires familiales. L’égalité c’est parfois aussi simple que cela.

Ayant fait adopter en 2010 un amendement permettant l’octroi de visas à des étrangères victimes de violence conjugale, je regrette qu’aucune réelle avancée n’ait pu être proposée en matière de délivrance d’une carte de séjour aux victimes de la traite des êtres humains. L’amendement voté par le Sénat en première lecture présentait certes des failles juridiques, mais le problème de fond est bien réel. Il est me semble-t-il dommage de repousser la réflexion à une hypothétique prise en compte dans le futur débat sur la lutte contre le système prostitutionnel. D’ailleurs, la traite des êtres humains recouvre des réalités bien plus diverses que la seule prostitution.

En conclusion, je profite de cette tribune pour regretter que le débat sur la ratification de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, prévu lundi dernier puis repoussé à aujourd’hui, ait une nouvelle fois été repoussé à une date inconnue, puisque la Conférence des Présidents d’hier, programmant nos travaux jusqu’au 17 mai, n’y fait aucune référence. La ratification française de cette convention est urgente. En tant que rapporteur de ce texte, j’avais demandé une procédure simplifiée parce qu’il me semblait essentiel de raccourcir les délais d’adoption d’une Convention signée il y a deux ans, en mai 2011. Les reports multiples de ce débat illustrent tristement la faible priorité accordée à ces questions.