Mai 25 2016

Livre papier et numérique : les consignes de l’Europe sur le géoblocking

Article d’Actualitté, publié suite aux annonces de la Commission européenne relatives au géoblocage, mentionnant mon amendement voté par le Sénat :

Après l’annonce de la Commission européenne, la Fédération européenne des éditeurs a rapidement réagi aux six initiatives visant à renforcer le marché unique. Parmi ces approches, la fin pure et simple du géoblocking que la CE souhaite mettre en place.

Pour la FEE, l’exemption pour le livre numérique est une bonne nouvelle : elle assure un délai pour qu’éditeurs et libraires puissent en mesurer les impacts. La commission a en effet décidé d’exempter les œuvres protégées par le droit d’auteur, comme les livres et la musique, de l’obligation d’offrir les mêmes conditions de vente à des consommateurs d’États de l’UE. Elle examinera plus tard une possible exception permettant d’ajouter ce domaine, comme ActuaLitté le soulignait dans un précédent article.

La fin du geoblocking répond à des impératifs économiques réels, et une liberté de circulation des biens garantie par l’Union. À moins que cette restriction ne soit « objectivement justifiée », pour des motifs liés à la TVA ou « certaines dispositions légales d’intérêt public », la pratique devra cesser.

« Trop souvent, les gens se voient privés d’un accès aux meilleures offres, de lors de l’achat en ligne, ou décident de ne pas faire d’achats transfrontaliers, parce que les prix de livraisons sont trop élevés, ou qu’ils s’inquiètent de savoir comment faire valoir leurs droits en cas de problème », note Andrus Ansip, vice-président de l’UE en charge du marché numérique.

Dans son communiqué, la FEE souligne que le règlement « s’adresse uniquement aux pratiques qui ne sont pas basées sur des droits d’auteur ou des accords de licences. Ceux-ci seront l’objet d’initiatives séparées sous la stratégie du marché intérieur numérique. » De la sorte, l’industrie du livre n’est concernée qu’à travers les livres imprimés. Le délai que le Collège des Commissaires européens a proposé « permettra aux éditeurs et aux libraires de fournir des preuves de l’impact d’une telle législation sur le secteur et notamment sur le PMEs ».

Pierre Dutilleul, président de la FEE rappelle que « le marché du livre numérique est en devenir dans de nombreux États européens et les investissements consentis par tous les acteurs pour servir la plus vaste audience possible, sont considérables ». Et d’ajouter : « Cependant, au vu de la taille encore limitée de ce marché et pour respecter des législations nationales qui garantissent et promeuvent la diversité culturelle, inclure les livres numériques dans le règlement sans avoir pris la mesure de l’impact, aurait un effet défavorable sur le marché lui-même. Avec cette clause de révision, la FEE et ses membres vont travailler avec les services de la Commission pour trouver le juste équilibre respectant l’écosystème du livre. »

La francophonie et le géoblocage, on verra plus tard ?

La proposition de Règlement sur le géoblocage et les formes de discrimination reposant sur le lieu de résidence des consommateurs épargne donc le livre numérique. Et c’est presque regrettable : rappelons en effet l’exemple de ce sénateur qui faisait part des déconvenues.

« Puis-je vous faire part de ma propre expérience ? Comme je ne pouvais rien acheter à l’étranger avec ma carte bancaire française, j’ai appris à pirater… Eh oui ! Est-ce ainsi que l’on défendra la francophonie ? »

Il intervenait alors qu’en séance, la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam tentait de défendre un accès facilité aux achats de livres numériques. Par un amendement dans le projet de loi Création, elle proposait une modification de la loi sur le prix unique du livre numérique. « Les professionnels commercialisant des livres numériques ne peuvent ni exiger de leurs acheteurs qu’ils règlent avec une carte bancaire française, ni limiter la possibilité d’achat aux clients dont l’adresse IP est située en France », insistait la sénatrice.

L’amendement, contre l’avis du gouvernement, avait été adopté…

De son côté, la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, s’est félicitée que le règlement européen « n’affecte pas la territorialité du droit d’auteur. Elle veillera à ce que les différentes réformes engagées au niveau européen pour adapter les pratiques commerciales à l’ère numérique préservent les mesures de soutien et de promotion de la diversité culturelle, notamment les législations nationales comme celle sur le prix unique du livre ».