Août 29 2017

Pourquoi Microsoft garde ses entrées à l’Hôtel de Brienne

Article publié par Acteurs Publics :

Il faut sauver le soldat Microsoft. À son tour, la nouvelle ministre des Armées, Florence Parly, vient à la rescousse d’un juteux contrat passé en 2009 par la Défense avec Microsoft, contrat maintes fois dénoncé et rebaptisé «open bar» par ses détracteurs, tant l’image a choqué d’un ministère régalien qui tomberait dans l’escarcelle du géant du numérique américain – à travers sa filiale européenne basée en Irlande.

Tout ceci ne serait que fantasme, assure le ministère des Armées. «Cette solution a permis de soutenir une partie du parc Microsoft déjà déployé au sein du ministère au moyen d’un support contractuel désormais unique, induisant d’importantes économies, ainsi que la mise en place d’une gestion centralisée, avec un nombre réduit de configurations» , argumente-t-il dans une réponse publiée par le Sénat le 24 août à la suite d’une question de la sénatrice LR des Français de l’étranger Joëlle Garriaud-Maylam.

La sénatrice s’y enquérait notamment du renouvellement de ce contrat, fin mai, pour la période 2017-2021, et de l’existence ou non d’un appel d’offres préalable. «Les deux contrats précédents avaient été signés sans mise en concurrence préalable et dans des conditions de légalité douteuses» , affirme Joëlle Garriaud-Maylam. Laquelle demande que soit rendu public le montant du contrat et que soit justifiée «la très forte augmentation des coûts depuis le contrat initial de 2009» . «Le délit de favoritisme dans la passation de marchés publics relève du droit pénal» , prévient la sénatrice.

Offre globale et intégrée

«L’avis émis par la Commission des marchés publics de l’État (CMPE) n’a remis en cause ni l’objet ni la procédure suivie pour passer l’accord-cadre» , répondent les services de Florence Parly, qui assurent que «l’attestation d’exclusivité fournie par Microsoft a montré que cette société est la seule habilitée à fournir les prestations demandées, dans le cadre d’une offre globale et intégrée» . Un nouveau contrat a donc été «notifié» en décembre 2016, la date du début des prestations ayant été fixée au 1er juin, 2017.

D’ailleurs, ajoute la Défense, les termes «open bar» «ne reflètent aucunement la réalité du fonctionnement de cet accord-cadre» , car le ministère peut «ajuster annuellement» la cartographie logicielle en fonction de la configuration réelle détaillée de son système d’information, cette variation restant «circonscrite par les strictes limites du plafond fixé» .

Si les services de Florence Parly ne vont pas jusqu’à livrer le coût que représente ce nouvel accord – le précédent valait 120 millions d’euros -, ils se veulent toutefois rassurants : «Les conditions financières négociées de ce contrat ont été améliorées, entraînant, par rapport à la période précédente, une dépense annuelle inférieure.»

Dispositifs maîtrisés nationalement

Pour couper court aux rumeurs, le ministère précise que le rançongiciel WannaCry n’a pas impacté le ministère des Armées lorsqu’il a sévi en mai, 2017. En matière de cybersécurité, le ministère considère qu’il n’est «ni réaliste ni indispensable de construire des systèmes d’information uniquement sur la base de matériels et de logiciels entièrement maîtrisés de façon souveraine» .

La stratégie mise en oeuvre ne repose «pas uniquement sur la confiance dans les logiciels et les matériels» , expliquent les services de Florence Parly. Elle relève également de «choix d’architecture adaptés et de mesures organisationnelles», mais aussi d’ «un investissement ciblé dans des dispositifs qui sont entièrement maîtrisés nationalement (sondes, dispositifs logiciels et matériels de chiffrement…), développés par le ministère et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et choisis en cohérence avec l’architecture retenue» .

Le logiciel libre… un jour

Au final donc, le ministère des Armées «n’a connaissance d’aucun élément objectif qui conduirait à écarter Microsoft Irlande de l’attribution de marchés publics ou à appliquer à cet opérateur économique européen, en l’état actuel de la réglementation, quelque forme de discrimination que ce soit en la matière» .

Comme une toute petite ouverture concédée au camp d’en face, le ministère promet de «réexaminer la possibilité d’avoir recours à l’avenir plus largement» au logiciel libre. Une mince hypothèse, qui plus est, à long terme… puisque le socle de base du système d’information du ministère «ne sera pas refondu avant plusieurs années» .