Avr 17 2023

Brésil, Guyana, Suriname et Guyane française (9 au 17 avril)

Après quatre années de défiance et de relations plutôt glaciales entre nos deux pays suite notamment aux déforestations massives en Amazonie, l’élection du Président Lula est un tournant majeur qui induit une volonté commune de relancer notre coopération, notamment transfrontalière, et un partenariat stratégique initié en 2006 par les présidents Chirac et Lula (j’avais cette année-là été rapporteur du Sénat pour le projet de loi relatif à la construction du pont sur l’Oyapock- fleuve qui marque la frontière entre nos deux pays – la plus longue de France avec ses 730kms) et conclu en 2008 par les présidents Sarkozy et Lula.

J’ai eu l’honneur d’être désignée pour conduire – avec mon collègue, l’ancien ministre PS à la francophonie et au développement l’ancien sénateur André Vallini – une délégation de notre commission Affaires étrangères et défense  afin de renforcer nos liens bilatéraux, suite à la visite officielle de la ministre Catherine Colonna et dans l’attente d’une visite du Président Macron, vivement espérée par le Brésil pour cette année. 

Notre mission a débuté aux alentours de Rio avec un focus défense – avec à la fois une visite approfondie de la base navale d’Itaguaí où nous construisons des sous-marins en coopération avec le Brésil et une visite du salon d’armement LAAD pour notamment y soutenir les projets de nos industriels français. 

Même si le Brésil est notre 17ème client et si nous restons pour lui un partenaire de référence en termes de qualité grâce à nos succès industriels dans le domaine naval (Naval Group, CMN) des hélicoptères (Airbus, Safran) des missiles (MBDA) et du spatial (Thales Alenia Space) nos liens s’étaient en effet un peu distendus ces dernières années et il est aujourd’hui essentiel de relancer notre coopération, notamment en matière de défense en soutenant les efforts de nos industriels. 

À la rencontre de nos entreprises au LAAD
À la rencontre de nos entreprises au LAAD
Visite de la base militaire d’Itaguaí

La marine brésilienne a ainsi publié en septembre 2020 un plan stratégique à l’horizon 2040 qui prend en compte la disparition de la capacité aéronavale et les difficultés à entretenir la flotte et à reconstituer une composante frégates moderne, mais ne présente pas d’objectifs financiers et calendaires chiffrés. Beaucoup de programmes d’acquisition ont ainsi été ralentis mais notre programme conjoint de sous-marins progresse bien. Le 1er des 4 sous-marins de type Scorpène , le SS S-40 Riachuelo a intégré la marine brésilienne le 1er septembre 2022, le 2eme l’Humaitá a commencé ses essais en mer en décembre dernier et nous avons tenu à aller visiter la magnifique base navale d’Itaguaí (“un Cherbourg multiplié par 3 ?” ) Merci à son responsable l’amiral Augusto Petronio, Directeur général du Développement nucléaire et technologique de la marine brésilienne pour son remarquable accueil et la qualité de nos échanges.  Le contrat PROSUB comprend 4 sous-marins Scorpène, construits à Itaguaí, mais le Brésil souhaite l’aide de la France pour construire un cinquième sous-marin à propulsion nucléaire. Un projet que nous souhaitons appuyer le plus possible, même si la décision finale reviendra au Président Macron et pourrait être actée lors de sa visite au Brésil prévue courant 2023. 

Avec l’Amiral Augusto Petronio lors de la visite de la base militaire d’Itaguaí

Le lendemain nous sommes allés au grand salon d’armement LAAD 2023 où nous avons rencontré des décideurs brésiliens et nos sociétés présentes sur le territoire, responsables par exemple des programmes HX-BR (50 hélicoptères  EC725 Caracal – dont 2 pour la Présidence) SGDC (satellite de communications civiles et militaires) et le TCD Siroco acquis en 2016 par le Brésil (aujourd’hui NDM Bahia).

Ce fut aussi un grand plaisir de rencontrer de petites entreprises françaises implantées localement et  appuyées par de grands groupes. 

J’ai tout particulièrement apprécié la rencontre avec le Président de Mac Jee Technology, un Français du Sud (Capestan, près de Montpellier) qui  a réussi en quelques années à peine à créer au Brésil une société leader en hautes technologies pour la défense et l’industrie spatiale et songe à revenir s’installer en France avec son entreprise.

BRASILIA

Avec la vice-ministre des affaires étrangères du Brésil, Maria Laura da Rocha

Après ce passage, la mission sénatoriale s’est dirigée vers la capitale brésilienne, Brasilia, à l’architecture exceptionnelle. Construite dès les années 1950 et issue de la vision du Président Kubitschek qui voulait construire une capitale moderne, belle et fonctionnelle à équidistance des grandes villes du Brésil . 

Une vision concrétisée notamment par ces trois édifices religieux, très différents mais d’une beauté saisissante :

– la cathédrale Notre-Dame de l’Apparition, édifice en béton de Joseph Niemeyer en 1959 et finie en 1970, symbolisant la couronne d’épines du Christ avec ses splendides vitraux bleus et verts de la franco-brésilienne Marianne Peretti

– le sanctuaire São João Bosco (“l’église bleue”) de Vasconcelos Naves, irréelle et féérique , avec ses milliers de vitraux de Murano dans plus de douze tons de bleu sur des arcs en ogive, vision d’un paradis en forme de ciel étoilé qui vous enveloppe et vous bouleverse :

– la toute petite église Notre Dame de Fatima (1958), construite en 100 jours à la demande de l’épouse du Président Kubitschek en gratitude pour la guérison jugée miraculeuse de sa fille en 1958, voire totalement envoûtante :

À l’occasion de ce déplacement de la délégation à Brasilia, j’ai pu à nouveau constater le travail remarquable de l’Ambassadrice Brigitte Collet et de ses équipes en termes d’organisation, en particulier pour l’accueil de notre délégation dans la superbe résidence de France, chef d’œuvre architectural de béton pur, élaborée d’après les plans de Le Corbusier de 1962 (mais les travaux ne commenceront qu’à partir de 1970, 5 ans après son décès).

Le déplacement en Chine du Président Lula ayant été repoussé suite à sa pneumonie, et ayant lieu au moment de notre visite à Brasilia, nous n’avons pu le voir, pas plus que son ministre de la Défense, son ministre des Affaires étrangères (que j’avais rencontré lors de la Conférence sur la Sécurité de Munich) le Président du Parlement, ni même celui de la commission des Affaires étrangères du Sénat.  

Néanmoins, nous avons eu des échanges passionnants et utiles avec la ministre déléguée et Secrétaire générale de l’Imaraty, le ministère des relations extérieures (première femme à ce poste très important)  Maria Laura de Rocha, ancienne ambassadrice à Paris auprès de l’UNESCO et remarquable francophone et francophile, ainsi qu’avec des responsables du Sénat comme le sénateur de l’Amapa Randolfe Rodriguez (que nous retrouverons dans son État de résidence lors de notre passage à Macapa), le sénateur Cid Gomes, vice-président de la commission des Affaires étrangères ainsi que le responsable du CENSIPAM  (Centre intégré de protection de l’Amazonie).

Amapa

À Macapa, capitale des bords de l’Amazone, dans l’État d’Amapa, au Nord-Est du Brésil. Accueil très chaleureux de notre délégation par le Gouverneur de l’État, déjeuner avec les militaires du 34ème régiment, réunion solennelle suivie par près de 300 personnes puis visite du centre culturel. Lors de la réunion au Palais du Gouverneur, j’ai eu le plaisir d’exprimer au nom de notre délégation sénatoriale, notre profond souhait de développer notre coopération transfrontalière entre la Guyane française, tant en matière économique et sécuritaire que culturelle linguistique. Émue de découvrir du haut de l’estrade que plusieurs Brésiliens chantaient avec nous la Marseillaise malgré l’absence d’enseignement du français dans l’Amapa, j’ai aussi indiqué que je travaillerais à la création d’une Alliance française à Macapa (le Sénateur Randolfe Rodriguez m’a ensuite dit dans une petite réunion de travail le soir qu’il en serait “le premier client” !) et j’ai promis d’apprendre l’hymne portugais … et de suggérer à la Guyane d‘organiser des cours de portugais…

Cette rencontre fut l’occasion aussi pour moi d’évoquer les défis qu’ensemble, Français et Brésiliens, doivent par une franche et fructueuse coopération relever comme je l’évoquais avec les journalistes de Guyane première présents sur place :

« Nous sommes ici pour écouter les Brésiliens et comprendre la réalité actuelle de ce territoire. Nous avons comme défis l’immigration, la pêche et l’exploitation minière clandestine, qui impactent des situations telle que la préservation de l’Amazonie. Nous ferons tout pour renforcer cette coopération transfrontalière qui existe déjà entre l’Amapá et la Guyane française ».

Parmi les autres dossiers sur lesquels je travaillerai, les visas, mais aussi la simplification des formalités administratives et douanières entre nos pays. La situation actuelle contraint les camions français ou brésiliens, lorsqu’ils souhaitent franchir le pont-frontière sur l’Oyapock, à décharger toute leur cargaison pour la transférer sur un camion de l’autre pays.

Je pense aussi que cette région d’Amazonie, parmi les plus pauvres du pays, a un potentiel économique extraordinaire, notamment en matière touristique, à condition de l’aider à lutter contre l’insécurité. Il faut aussi pour cela l’accompagner et la conseiller en matière d’investissements et d’infrastructures hôtelières et logistiques pour la désenclaver. L’état des routes est aujourd’hui très insatisfaisant : Il faut 12 heures pour relier Macapa à Cayenne, dont plus de 100kms à faire sur des pistes défoncées.

Je demanderai par ailleurs à Air France de réfléchir à une escale à Macapa dans le cadre de l’ouverture de sa ligne Cayenne-Belém en mai prochain.

De gauche à droite, le ministre-conseiller de l’Ambassade française, le sous-préfet de Saint-
Georges (Guyane), moi-même, le gouverneur de l’Amapa, Clecio Luis, le sénateur Randolfe
Rodriguez et le colonel en charge du 32ème bataillon de la Selva.

Suriname

La mission s’est ensuite dirigée vers le Suriname, pays voisin de la France, où nous avons pu multiplier les rencontres et échanges passionnants.

Emmenée par l’Ambassadeur Nicolas de Lacoste, la délégation a saisi l’occasion de ce passage à Paramaribo pour aller à la rencontre de Krishna Mathoera, ministre de la Défense du Suriname, que j’avais eu la chance de croiser une première fois quelques jours auparavant au LAAD au Brésil, ainsi que de son chef d’État-major et de nombreux députés surinamais.

De très nombreux sujets furent abordés, de la sécurité aux questions énergétiques en passant évidemment par l’agriculture et l’environnement, afin de renforcer la coopération entre la France et le Suriname.

Guyana

Étape cruciale du déplacement, toujours aux côtés de notre Ambassadeur Nicolas de Lacoste, le Guyana et sa capitale Georgetown.

Nous avons été reçus en personne par le Président de la République du Guyana, Son Excellence Irfaan Ali, ainsi que le Président de l’Assemblée nationale guyanaise, Manzoor Nadir. Cela fut l’occasion pour nous de rappeler l’importance des relations entre le Guyana et la France et de réaffirmer le rôle clef que la France souhaite jouer pour accompagner le développement du pays !

Avec le Président du Guyana, Irfaan Ali

Toujours à Georgetown, j’ai eu la joie de pouvoir rencontrer 3 femmes extraordinaires, les directrices des alliances françaises du plateau des Guyanes :

-Pauline Durand directrice de l’alliance française de Cayenne,

-Virginie Lemay future directrice de l’alliance française de Paramaribo,

-Sophie Fromage directrice de l’alliance française de Georgetown.

J’ai eu le plaisir d’échanger avec elles et d’apprécier leur dynamisme et leurs ambitions pour le rayonnement de notre langue dans la région ! Ces belles réussites témoignent de l’importance que revêt ces établissements dans la diffusion de notre culture et de nos valeurs, il m’apparaît ainsi essentiel d’envisager l’ouverture d’une structure nouvelle à Macapa au Brésil !

Avec les directrices des Alliances françaises du plateau des Guyanes et notre Ambassadeur au Guyana
et au Suriname