Nov 21 2012

Audiovisuel extérieur : une équation budgétaire insolvable

Rapporteur pour avis sur le projet de budget 2013 de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF), j’ai défendu ce matin devant la commission des affaires étrangères, avec mon collègue sénateur PS d’Isère André Vallini, le principe d’une rallonge budgétaire à l’AEF, et ai annoncé mon intention de m’abstenir sur le vote des crédits de cette mission.

Le projet de loi de finances actuel prévoit en effet un maintien de la subvention publique à son niveau de 2012. Une telle dotation ne permettra pas au consortium de faire face à des dépenses inéluctables telles que le glissement des charges de personnel, l’obligation pour l’AEF de négocier un accord collectif suite à la fusion juridique intervenu en février 2012, ou les suppléments de loyers consécutifs au retard pris dans le déménagement de RFI vers le site d’Issy-les-Moulineaux. Le passage de TV5 Monde à la diffusion en haute définition, indispensable pour l’avenir de la chaîne, représente aussi des coûts importants que le budget actuel ne permettra pas de couvrir. L’actuelle construction budgétaire surestime les ressources propres. Surtout, elle fixe des objectifs d’accroissement des recettes publicitaires manifestement inatteignables, au risque de mener à un sérieux déficit.

Confrontée à ce redoutable effet de ciseau, l’AEF risque de n’avoir d’autre choix que de faire porter les économies sur ses programmes, en maintenant des grilles allégées sur France 24 et RFI ou en pénalisant la politique d’achats d’œuvres françaises de TV5 Monde. Dans un contexte médiatique international extrêmement concurrentiel, cela ne pourrait que conduire inexorablement au déclin de l’audiovisuel extérieur français.

C’est pourquoi nous avons proposé qu’en cas de vote, en première partie du projet de loi de finances, d’une augmentation du taux de la contribution à l’audiovisuel public, une partie des produits supplémentaires qui en résulteraient puissent être allouée à l’action audiovisuelle extérieure. [voir notre communiqué de presse]

Un autre motif d’inquiétude concerne le positionnement de TV5 Monde : actuellement détenue à 49% par l’AEF, la chaîne pourrait être transférée dans le giron de France Télévisions. J’estime qu’une telle filialisation risquerait d’inquiéter les autres partenaires francophones de la chaîne, qui ont consenti au cours des dernières années à voir leur contribution augmenter plus rapidement que celle de la France. Surtout, je reste dubitative quant à la possibilité qu’un tel revirement renforce significativement les synergies avec les autres chaînes françaises et francophones. La concurrence entre France 24 (signaux francophone et anglophone) et TV5 Monde constitue déjà un réel motif d’inquiétude que nous ne pouvons ignorer.

Concernant les stratégies de développement de l’audience, il me semble essentiel de travailler sur une meilleure articulation entre les dispositifs de l’audiovisuel extérieur et les médias publics nationaux. Une meilleure diffusion des chaînes de l’AEF sur le territoire national permettrait d’accroître les ressources publicitaires. Elle contribuerait aussi à la notoriété de ces médias, notamment auprès de populations étrangères ou d’origine étrangère, qui sont aussi des relais d’influence à l’international. Réciproquement, un gros effort reste à faire pour que les programmes de la télévision publique française soient réellement accessibles depuis l’étranger, sans avoir à passer par d’onéreux bouquets satellitaires. La politique d’achats de programmes français par TV5 Monde est donc à soutenir. Par ailleurs, une réflexion est à mener quant à l’accès par Internet aux émissions des chaînes publiques françaises. La géolocalisation des adresses IP empêche souvent les internautes situés à l’étranger d’y accéder. Si des obstacles juridiques existent, une véritable volonté politique devrait permettre de les surmonter. Il en va à la fois de la capacité de nos concitoyens établis à l’étranger de maintenir un lien avec l’actualité politique et culturelle française, et du rayonnement international de la francophonie.

Voir la dépêche AFP