Avr 23 2013

Macédoine (21-23 avril) – Skopje

297967C’est à Skopje, capitale de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (non officiel de la Macédoine), que la Commission sur la Dimension Civile de la Sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN a cette fois décidé de se réunir. Je suis toutefois arrivée la veille de ce séminaire afin de remplir une mission d’observateur du 3ème tour des élections municipales de Skopje, le 2ème tour dans les bureaux du centre-ville ayant été entachés d’irrégularités.

Cette fois encore, nous notons des éléments troublants : des tracts appelant à ne pas oublier de voter…à une fausse date, une fausse lettre du leader de l’opposition, des ascenseurs en panne dans un certain nombre d’immeubles, des électeurs photographiant avec leur téléphone leur bulletin de vote rempli (un bulletin unique où l’en entoure le nom du candidat choisi) pour le montrer à la sortie du bureau à des personnages d’allure plutôt inquiétante…

Il faut dire que cette magnifique ville multi-ethnique et multi-culturelle, façonnée par des siècles d’occupation ottomane, où minarets côtoient coupoles byzantines, et où les autorités s’attachant à magnifier leurs origines avec des statues gigantesques d’Alexandre le Grand – fort mal vues des voisins grecs et bulgares dont les territoires englobent également une partie de l’antique Makedonia.. connaît de vives tensions. Le petit pays d’à peine plus de 2 millions d’habitants est le seul de l’ex-Yougoslavie à avoir en 1991 accédé à l’indépendance sans violence… mais a frôlé la guerre civile en 2001, lors d’un grave conflit entre la minorité albanaise (25% de la population) et la majorité slave (66%) et ce n’est que sous l’égide de la communauté internationale que les belligérants ont pu être désarmés et le dialogue politique réouvert. La coexistence entre les différentes communautés a été à peu près satisfaisante pendant une dizaine d’années mais on observe depuis début 2012 un regain de tensions interethniques. La nécessité de réformes pour renforcer l’Etat de Droit et lutter contre la corruption alourdit évidemment l’atmosphère politique.

Notre séminaire de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN nous a permis de rencontrer ministres et parlementaires macédoniens, mais aussi ambassadeurs de l’Union européenne, de l’OSCE et des Etats membres de l’OTAN, pour analyser la situation de la Macédoine dans le contexte de sa demande d’entrée dans l’Union européenne et dans l’OTAN.

La Macédoine a en effet fait de son intégration aux structures euro-atlantiques sa priorité stratégique. Premier pays à avoir signé un Accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’Union européenne en 2001, elle a obtenu le statut de « candidat » en décembre 2005 et la suppression de l’obligation de visas de court séjour en décembre 2009. Dès octobre 2009, la Commission européenne avait jugé que les conditions étaient réunies pour recommander l’ouverture des négociations d’adhésion, mais le gouvernement grec avait rétorqué que « la solution du problème du nom » était « une condition préalable » à l’ouverture de celles-ci. Depuis, la situation semble bloquée, une ouverture des négociations d’adhésion nécessitant une décision unanime des Etats membres. De même, la Macédoine est engagée depuis 1999 dans le Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN… mais n’a pu rejoindre l’Alliance du fait de l’opposition de la Grèce.
S’il reste de nombreux progrès à faire en termes de gouvernance démocratique, de dialogue politique et de règle de droit (j’ai ainsi pu m’étonner tant auprès du maire de Skopje que du Vice Premier-ministre, des irrégularités commises lors des élections municipales hier), la Macédoine se trouve à un tournant de son histoire. Des frémissements apparaissent sur la question du nom, source de tensions depuis plus de 20 ans avec la Grèce, celle-ci semblant désormais pouvoir accepter la dénomination de « Macédoine du Nord ». L’accord signé vendredi entre la Serbie et le Kosovo, accord auquel personne ne croyait (même pas Catherine Ashton !), a suscité de grands espoirs. Il devrait montrer le chemin de la paix dans la région et contribuer à apaiser les tensions ethniques avec la minorité albanaise. Tous nos intervenants ont tenu à nous rassurer quant aux prétendues ambitions territoriales de la Macédoine et insisté sur la nécessité absolue, pour conforter la stabilité de la région, de permettre à la Macédoine de rejoindre l’OTAN et l’UE.
Je suis personnellement convaincue, et je sais que la plupart des membres de notre délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN partagent ce point de vue, que nous ne pouvons plus laisser la Macédoine trop longtemps hors de l’Union européenne. Ce pays mérite que nous l’aidions. C’est notre responsabilité, car cette attente que nous lui imposons depuis des années est un facteur d’instabilité. Alors que son intégration euro-atlantique nous aiderait à garantir la paix et la sécurité dans cette région

cimetiere_militaire_francais_de_skopje_21_-c0e13Enfin, j’ai pu profiter de ma présence à Skopje pour y revoir l’Ambassadrice Laurence Auer et faire le point avec elle sur la situation des 196 inscrits au registre consulaire français dans le pays. Elle m’a également fait découvrir le cimetière militaire français, qui  abrite les restes de 960 officiers, sous-officiers et soldats de l’Armée d’Orient, ainsi que deux ossuaires regroupant chacun environ 5000 corps…. Il rappelle un pan trop méconnu de notre histoire : la participation de milliers de soldats français à la Première Guerre mondiale dans les Balkans, où les hostilités ont même duré jusqu’en 1919.