Jan 10 2014

Vente des livres : ne traitons pas Internet en ennemi !

Peu de sénateurs présents en séance de nuit ce jeudi mais grande effervescence sur Internet et sur les réseaux sociaux pour écouter la discussion d’une proposition de loi sur la vente à distance de livres, visant à interdire aux sites de vente par Internet de pratiquer la gratuité des frais de port et à limiter les possibilités de remises sur internet. Cette loi « anti-Amazon » est censée remédier à la concurrence déloyale que les plateformes de vente en ligne – au tout premier rang desquelles Amazon – exerceraient au détriment des libraires indépendants.

Bien que membre de la Commission des Affaires étrangères, non saisie du texte,  j’avais tenu, en tant qu’ardent défenseur de la francophonie et du rayonnement de notre culture à l’étranger à présenter un amendement « d’appel » et à intervenir en séance publique pour faire part de mes doutes quant à l’efficacité d’une telle mesure.

Les principaux concurrents des libraires sont encore aujourd’hui les grandes surfaces généralistes et culturelles. De surcroît, si Amazon rafle une part croissante des ventes de livres, c’est surtout grâce aux économies d’échelle que lui permettent sa taille considérable et sa politique d’optimisation fiscale. La loi « anti-Amazon » fera davantage de mal aux petits éditeurs et aux petites plateformes de vente en ligne qu’au géant américain.

Surtout, la vente de livres par Internet constitue un progrès considérable pour les nombreux lecteurs n’ayant pas la possibilité de se rendre en librairie (que ce soit parce qu’ils vivent à l’étranger ou en zone rurale, ou parce qu’ils ont des difficultés de mobilité). Il me paraît donc dommage de pénaliser les clients avec un renchérissement des livres commandés en ligne qui ne freinera nullement les ardeurs d’Amazon ! Et comme je l’ai dit à la tribune, plus on lit, plus on a envie de lire. Le défi  est donc de développer la vente de livres et leur lecture. Or beaucoup de librairies n’ont pas de rayonnages suffisants pour présenter une gamme complète d’ouvrages, ce que permet Internet. Et combien d’internautes, qui auront commandé un livre par Internet, n’auront-ils pas envie d’en lire d’autres et de se rendre dans une librairie pour être mieux conseillé ?

Car le problème des librairies vient davantage de la diminution du nombre de lecteurs que de la concurrence des vendeurs à distance. Au lieu de voir Internet comme un obstacle, il faut l’utiliser pour faire venir ou revenir à la lecture des personnes qui en sont éloignées.

Plutôt qu’une politique répressive qui, de toutes façons, n’a aucune chance d’enrayer l’essor de la vente de livres en ligne, je plaide pour mieux soutenir la complémentarité des différents canaux de vente de livres : librairies indépendantes, grandes surfaces, vente de livres imprimés sur Internet… et vente de livres numériques – ce dernier canal demeurant largement inaccessible depuis l’étranger ! La ministre de la Culture n’a d’ailleurs pas répondu à ma demande de point d’avancement du travail du gouvernement sur ce dossier, suite à la question orale que j’avais posée il y a plusieurs mois…

→ Lire mon intervention et voir mon amendement

Voir ma question orale sur l’accès aux livres numériques depuis l’étranger