Mai 22 2014

Le vote Internet fait flop

Vote internet7,08 %… c’est le taux de participation par vote électronique aux élections des conseillers consulaires. Au Comores, 0,3% des inscrits ont utilisé Internet ; au Tchad, en Angola, au Mali ou au Niger, autour de 2%. Même aux Etats-Unis, la barre des 10% n’est pas atteinte. Le scrutin, qui s’est déroulé par anticipation du 14 au 20 mai, n’a rassemblé que 80 115 des 1 131 150 Français de l’étranger inscrits sur les listes électorales. On est bien loin du « potentiel » annoncé de 700 000 votants par voie électronique !

Un résultat hélas peu surprenant. Depuis qu’il a été autorisé, en 2003, pour les élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger (prédécesseurs des conseillers consulaires), le vote Internet n’est utilisé que par un votant sur 10 (10% en 2003, 14% en 2006 et 9% en 2009), un petit tiers votant à l’urne et près de deux tiers par correspondance postale.

Or, qu’a décidé le gouvernement à la faveur de la réforme de la représentation des Français de l’étranger de 2013 ? De supprimer ce vote par correspondance postale (et, accessoirement, de dématérialiser l’envoi des professions de foi, réduisant à la portion congrue l’information électorale des citoyens non connectés) ! Je me suis, au Sénat, vivement opposée à cette suppression (voir mes interventions en 1ère lecture et en 2de lecture du texte). Malheureusement en vain, seul André Ferrand m’ayant alors soutenue dans cette démarche.

Le principal argument des pourfendeurs du vote par correspondance était son coût… mais l’étude d’impact annexée à la loi de 2013 réformant la représentation des Français de l’étranger anticipe pour le vote électronique un coût de 3 millions d’euros par année d’élection. En comparaison, le coût du vote par correspondance est minime. Il nécessite certes l’expédition du matériel de vote aux électeurs en ayant fait la demande, mais cet envoi postal n’est pas plus coûteux que l’envoi par courrier des identifiants en amont du vote par internet.

Je ne suis pas une opposante au vote électronique, je me suis même réjouie de son introduction. Il a une utilité certaine pour les électeurs éloignés des centres de vote et ayant l’habitude d’utiliser Internet. Mais je refuse qu’il devienne la seule alternative au vote à l’urne et au vote par procuration, défavorisant les Français habitant dans des zones mal connectées ou d’une génération peu à l’aise avec l’informatique. La rumeur court d’ailleurs déjà que dans certaines circonscriptions les codes de vote par Internet de personnes âgées auraient été collectés et utilisés par des candidats peu scrupuleux. Que cette assertion soit ou non fondée, c’est la confiance en la sécurité et la sincérité du vote qui est en jeu.

Un récent rapport sénatorial préconise justement de ne pas généraliser le vote électronique, afin de « préserver la confiance des électeurs ». Et le recours contre le vote électronique déposé au Conseil d’Etat, suite aux élections législatives de 2012, est en attente de jugement. Je viens quant à moi de recevoir la réponse du ministre des affaires étrangères à mes interrogations quant à la possibilité pour les petites listes ou les candidats indépendants de participer au contrôle des opérations de vote par Internet (voir aussi l’article de Numerama à ce sujet). Et je dois dire que je ne suis pas très convaincue du bien-fondé de cette réponse..

Pour les élections de ce week-end, il reste à espérer qu’un vote à l’urne massif fera remonter le taux de participation, les Français de l’étranger devant se déplacer également pour voter pour les élections européennes pour lesquelles le vote par Internet n’est pas autorisé. Sinon – ceux qui ont milité pour la suppression du vote par correspondance postale devront en assumer leur part de responsabilité – c’est toute la légitimité et la crédibilité de la représentation des Français de l’étranger qui sera remise en cause…

→ Voir la synthèse de la participation pour le vote Internet, et le détail par pays
Lire ma note d’analyse sur le vote par correspondance postale