Déc 18 2014

Convention fiscale franco-andorrane. Le spectre d’un impôt sur la nationalité ?

impotsLe Sénat a refusé la ratification de la convention fiscale France-Andorre, qui avait pourtant été votée à l’Assemblée nationale dix jours auparavant. La cause de ce rejet , rarissime pour une convention internationale ? Une clause qui « permet à la France de taxer ses nationaux résidents d’Andorre sans tenir compte des dispositions de la convention », donc susceptible a priori de préfigurer un impôt sur la nationalité pour les Français établis hors de France, bien au-delà des seuls Français d’Andorre. Une clause d’autant plus dérangeante que l’étude d’impact du ministère la justifie en indiquant qu’elle « permettrait de mettre en œuvre une éventuelle évolution future du champ de la fiscalité française ».

S’empresser de crier à l’imposition à la nationalité m’apparaît pourtant exagéré. La clause controversée serait sans effet juridique, même si la convention fiscale bilatérale entre la France et l’Andorre était ratifiée en l’état. En effet, elle ne permettrait à la France de taxer les Français d’Andorre en raison de leur nationalité que si le Code général des Impôts était modifié en ce sens, ce qui n’est pas à l’ordre du jour (nous parlementaires représentant les Français de l’étranger ne manquerions pas de nous y opposer !) mais surtout peu réaliste à moyen terme puisqu’une telle modification impliquerait alors de renégocier l’ensemble de nos conventions fiscales bilatérales, avec plus d’une centaine de pays. Outre la difficulté d’entrer dans un tel processus de renégociations, il est peu probable que la France cherche à adopter un système fiscal « à l’américaine », car elle ne dispose pas de la même force administrative et diplomatique pour parvenir à l’obtenir.

Même s’il n’y a pas péril en la demeure, il semble néanmoins indispensable que cette clause, dont l’existence ne paraît pas justifiée et porte à confusion, soit retirée de la convention fiscale bilatérale. Une telle initiative ne peut être menée par les parlementaires qui, lorsqu’il s’agit de ratifier un accord international, n’ont pas la possibilité de l’amender et doivent voter « en bloc » l’approbation ou le rejet. Il reviendrait donc au gouvernement de se rapprocher des autorités andorranes pour corriger cet élément.

N’oublions pas néanmoins qu’à court terme l’absence de convention fiscale bilatérale nuit aux relations commerciales entre la France et l’Andorre, seule une telle convention permettant de prévenir les phénomènes de double imposition et de sécuriser les investissements français en Andorre. La conclusion d’une convention fiscale bilatérale s’inscrit aussi dans les efforts déployés par la principauté andorrane, considérée jusqu’en 2009 comme un paradis fiscal, pour améliorer la transparence des flux financiers. Il serait dommage de freiner ce processus.

Il est important que le Sénat ait envoyé un message clair au gouvernement français pour demander le retrait d’une clause aux contours flous et menaçants. Mais il est tout aussi indispensable de parvenir au plus vite à la ratification de la convention fiscale bilatérale. La prochaine étape sera une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Espérons que la pression mise sur le gouvernement forcera celui-ci à s’engager à négocier au plus vite avec l’Andorre un avenant à la convention pour supprimer la clause controversée : une telle démarche permettrait alors une ratification de la convention bilatérale dans les meilleurs délais.