Déc 03 2015

Un budget de l’audiovisuel extérieur pas à la hauteur des enjeux

FMMC’est un budget de l’audiovisuel pas à la hauteur des enjeux que le Sénat a sanctionné en votant le rejet des crédits proposés par le gouvernement. Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le budget de l’audiovisuel extérieur, j’ai tenté de redresser partiellement la barre en proposant un amendement – voté en commission mais retiré en séance publique – permettant de rééquilibrer quelque peu des moyens trop fortement en décalage avec les objectifs légitimes assignés à notre audiovisuel extérieur.

Depuis quelques années, l’environnement audiovisuel mondial est devenu de plus en plus concurrentiel. Aux opérateurs classiques (les médias britanniques, américains, allemands,…) sont venus s’ajouter des médias du Golfe aux moyens démesurés, ainsi que de nouveaux acteurs du « soft power » aux premiers rangs desquels la Chine, mais aussi la Russie. France 24, TV5 Monde ou RFI bénéficient encore d’une certaine longueur d’avance en Afrique francophone, mais se voient menacés jusque sur ce terrain qui leur était traditionnellement favorable. Il y a donc un « créneau » de courte durée à ne pas manquer, faute de quoi nous serons distancés. Les autres opérateurs ne s’y trompent pas : malgré de fortes restrictions budgétaires imposées à la BBC, le gouvernement britannique a augmenté significativement le budget de la BBC World Service. De même, les gouvernements allemand et américain ont-ils décidé de renforcer le budget de leur audiovisuel extérieur. Le budget de France Médias Monde est désormais loin derrière celui de la Deutsche Welle, qui fait pourtant figure de joueur frugal parmi les opérateurs internationaux.

Surtout, le contexte géopolitique actuel impose plus que jamais à la France de faire entendre sa voix à l’international, de défendre sa langue, sa culture et ses valeurs républicaines, face à ceux qui souhaiteraient les réduire au silence et attiser les tensions intercommunautaires en Europe. Le rôle des médias, et en particulier celui des médias ayant une audience à l’international, en France et parmi les communautés étrangères installées en France, est crucial dans la bataille des idées. La cyberattaque inédite dont a été victime TV5 Monde au printemps dernier, revendiquée par l’Etat islamique, montre bien l’importance stratégique de nos médias publics internationaux et de leur déploiement sur les supports numériques.

Aujourd’hui France 24 s’impose comme la première chaîne d’information internationale dans toutes les capitales d’Afrique francophone. C’est aussi le premier média français sur Facebook, avec 11,8 millions d’abonnés, tandis que RFI est la première radio généraliste française avec 8 millions d’abonnés. Nous disposons ainsi de leviers potentiellement puissants pour faire entendre une autre voix que celle de la haine et du fanatisme, en France comme à l’international. Mais il est dommage de ne pas pouvoir capitaliser davantage sur ces outils en votant un budget qui ne permettra notamment pas d’accentuer nos efforts en direction des locuteurs arabophones ou des supports les plus efficaces auprès de la jeunesse.

Plutôt que de financer la création par France Télévision d’une énième chaîne d’information franco-centrée (alors même que les chaînes privées déjà présentes sur ce créneau peinent à assurer leur équilibre financier et que des chaînes publiques telles que France 24, Arte, LCP ou Public Sénat offrent déjà une lecture de qualité de l’actualité), ne devrait-on pas renforcer les moyens de nos opérateurs existants afin qu’ils portent haut la voix et les couleurs de la France ?

Lire mon intervention en séance publique et la défense de mon amendement
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