Mar 28 2005

L’âge légal du mariage va être porté à 18 ans pour les deux sexes

Article paru dans Le Monde du lundi 28 mars 2005, p. 7 :

La différence entre femmes et hommes devant le mariage aura perduré un peu plus de deux cents ans, depuis le code civil de 1804. Mardi 29 mars, les sénateurs devraient y mettre fin et fixer à dix-huit ans (au lieu de 15 ans pour les femmes et 18 ans pour les hommes) l’âge minimum pour le mariage, pour les femmes comme pour les hommes. Cette mesure, issue d’amendements identiques déposés par l’ensemble des groupes politiques, figurait parmi les recommandations adoptées par la délégation aux droits des femmes du Sénat et soutenues par la commission des lois n’a pas pour seul but de rétablir l’égalité entre les sexes devant le mariage. Elle vise surtout à empêcher un phénomène inquiétant : les mariages forcés de jeunes adolescentes, issues le plus souvent de milieux immigrés.

La défenseure des enfants, Claire Brisset, dans son dernier rapport paru en novembre 2004, reprenait déjà les conclusions du Comité des droits de l’enfant, et estimait : qu’ «outre son aspect discriminatoire, la différence entre hommes et femmes – sur la question de l’âge minimum pour le mariage – cette différence entrave les efforts de lutte contre les mariages forcés».

«UNE FAUSSE LIBERTÉ»

Jusqu’ici, le ministre de la Justice Dominique Perben, avait repoussé toutes les propositions allant dans ce sens. La sénatrice UML Joëlle Garriaud-Maylam, qui avait déposé le 3 mars une proposition en ce sens, avait elle-même compris que le ministère de la Justice estimait que ce n’était pas une priorité. Mais l’avis unanime de la commission des lois aura accéléré le mouvement. Jeudi 24 mars, M. Perben s’est prononcé à son tour en faveur de cette mesure, annonçant qu’il la soutiendrait au Sénat. Selon le garde des sceaux, la liberté laissée aux jeunes filles de se marier dès 15 ans avec le consentement des parents constituerait «une fausse liberté».

L’alignement de l’âge légal du mariage pour les filles sur celui de la majorité civile, comme pour les garçons, vise donc à lutter plus efficacement contre les mariages contraints d’enfants mineurs. En revanche, il laisse possible les dérogations pour un mariage contracté par un mineur. En effet, l’article 148 du code civil qui prévoit que «les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère», mais que, «en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement» n’est pas modifié. Ainsi, un des parents voulant s’opposer au mariage de sa fille mineur n’a aucun moyen de l’empêcher.

Difficile, pourtant, d’évaluer précisément l’ampleur du phénomène des mariages forcés. En France, un avis élaboré en 1992 par la Commission nationale consultative des droits de l’homme et repris depuis par le Haut conseil à l’Intégration, estimait le nombre de jeunes filles concernées à 70 000, sans distinction d’âge. Cette pratique touche surtout des mineures ou des jeunes majeures étrangères ou de nationalité française issues de l’immigration. De son côté, le ministère de la justice établit à 1 200 le nombre de mariages de mineurs réalisés en 2004 sur le sol français. Mais qu’en est-t-il du nombre de jeunes filles renvoyées vers leurs pays d’origine pour contracter un mariage arrangé, avant de revenir en France ?

La Suissesse Rosmarie Zapfl-Helbling décrivait, le 7 octobre 2004, dans un projet de rapport au Conseil de l’Europe sur les mariages forcés et les mariages d’enfants, les conséquences sur les victimes : «Violence avérée sur les femmes, le mariage forcé peut aussi être une forme d’esclavage. -Il- met les femmes dans une situation de vulnérabilité totale, à la merci de violences psychologiques, sexuelles et/ou domestiques. Dans ce cas, les violences sexuelles sont aggravées par la minorité de la victime et engagent de manière certaine la responsabilité des parents, qui se rendent complices de viol sur mineur.»

En adoptant cet amendement, la France rejoindrait enfin le Sénégal et la Tunisie, qui ont adopté le seuil de 18 ans, ou le Maroc, qui a introduit cette mesure dans la réforme de son code de la famille, en février 2004. Mardi, cette mesure sera examinée dans le cadre de deux propositions de loi visant à renforcer la lutte contre les violences au sein du couple. La première a été déposée par Roland Courteau (PS, Aude) pour les socialistes (Le Monde du 7 mars); la seconde, analogue, par Nicole Borvo (PCF, Paris) pour le groupe communiste, Républicain et Citoyen. Elles prévoient, notamment, d’aggraver les sanctions à l’encontre de violences répétées, physiques ou psychologiques, exercées sur un conjoint, un ex-conjoint, un concubin ou un ex-concubin, incluant les couples ou ex-couples pacsés. Elles introduisent aussi la reconnaissance du viol entre époux.