Avr 28 2017

Le vote des Français de l’étranger, une mobilisation indispensable

Ma tribune publiée par le Huffington Post :

Marine Le Pen à 6,48% des voix en 2017, derrière les quatre principaux autres candidats. Vous rêvez? C’est pourtant vrai! Tel est bien le score du Front national chez les Français de l’étranger.

Traditionnellement au centre-droit, sensibilisés aux questions internationales, épris de tolérance, les Français de l’étranger n’ont jamais voté pour les extrêmes. Et le score de Marine le Pen ne surprend donc pas ceux qui suivent les élections outre-frontières.

Par contre, et même si Mélenchon perce moins que sur le territoire national, ses 15,83% à l’étranger étonnent, alors même qu’il promettait de soumettre les expatriés à un impôt universel… C’est en Mozambique, au Laos en Mongolie, qu’il obtient ses meilleurs scores – avec un tout petit nombre de votants -, et surtout, de manière beaucoup plus surprenante, à Montréal où il obtient 30% des voix, soit plus du double de celles de François Fillon à 14%.

Alors comment expliquer cette poussée de Mélenchon, et le score de Macron (40,40% des voix), conseiller spécial puis ministre de l’économie d’un président honni à l’étranger pour ce quinquennat catastrophique?

D’abord, Emmanuel Macron, très habilement, a réussi grâce aux media, à se dissocier de Hollande et à apparaître comme quelqu’un capable de faire une synthèse entre gauche et droite, en s’appuyant sur la société civile. Indéniablement, sa campagne a été excellente. Elle a réussi, en instituant un système de réseautage minutieux à toucher l’ensemble des Français de l’étranger par des messages systématiques, là où la campagne de Fillon n’a pas su utiliser pleinement les réseaux sociaux et les possibilités offertes par internet auprès de la LEC (liste électorale consulaire).

Ensuite les bouleversements sociologiques chez les Français de l’étranger expliquent ce phénomène. Les expats aux conditions de vie privilégiées ont tendance à disparaître peu à peu au profit de nouvelles catégories sociales. Beaucoup d’électeurs sont aujourd’hui jeunes, voire très jeunes, partis souvent à la recherche d’un premier emploi. Beaucoup ont été séduits par le produit marketing Macron, jeune, bardé de diplômes prestigieux, sorte de John Kennedy à la française, personnification du rêve – ou du mythe – américain et à la réussite duquel ils avaient envie de s’identifier.

Des caractéristiques puissantes à l’heure de la téléréalité. Par contre, et c’est là tout le paradoxe de la situation, les échecs du ministre de l’économie et du conseiller spécial de François Hollande, masqués derrière un discours libéral, n’ont pas été sanctionnés. C’est en Algérie (51,89%) aux Etats-Unis (51,13%) et en Europe – avec un record de 55,92% en Allemagne) que Macron réalise ses meilleurs scores. Sans surprise puisque, suite au Brexit, sa posture pro-européenne, à l’inverse d’un Fillon dont le non à Maastricht n’avait pas été oublié, a été largement plébiscitée. Et bien évidemment les « affaires » Fillon, largement répercutées et amplifiées tant dans la presse française que dans celle des pays où les règles d’éthique sont extrêmement rigoureuses pour des personnages publics, ont fait le reste. C’est sans doute notre responsabilité collective de n’avoir pas su prendre assez la mesure de leur impact négatif, et autant sinon plus que dans l’hexagone, la sanction a été cinglante.

Ne nous mettons pas d’œillères: le jeune banquier n’a aucune envergure internationale et son manque de maturité – particulièrement flagrant lorsqu’au soir d’un premier tour consacrant un score inédit pour le FN, il a fait preuve d’un triomphalisme et d’une désinvolture surprenants – conjugué à son maigre bilan gouvernemental et à son manque de culture politique – sur la soi-disant absence de culture française ou sur la colonisation qui n’aurait été qu’un crime contre l’humanité – n’augurent rien de bon. Mais cela rendra d’autant plus essentielles les prochaines échéances électorales législatives et sénatoriales, puisque le Parlement devrait être alors en mesure de « recadrer » les écarts du fringant jeune homme. L’élection de Marine Le Pen, en revanche, ferait tomber sur notre pays une véritable chape de plomb et rendrait inopérant le contrepoids parlementaire – d’autant plus si sa victoire à la présidentielle se conjuguait avec une percée aux législatives dans la foulée. Le projet anti-européen et xénophobe du FN nous isolerait dans le monde.

C’est pour cela que, dès 20h30 dans une interview à CNN, j’ai annoncé qu’il n’y avait aucune hésitation pour moi et que je voterai Macron, la mort dans l’âme mais pour faire barrage à Le Pen. Je sais que l’immense majorité des Français de l’étranger est consciente du danger Le Pen. Davantage sans doute que leurs compatriotes de France.

Reste à leur permettre de l’exprimer.

Lors du référendum sur le Brexit, l’exclusion du vote des Britanniques établis à l’étranger et des Européens vivant au Royaume-Uni a abouti au résultat que l’on connaît.

Ne rééditons pas cette erreur. Permettons réellement aux expatriés d’exercer leur droit de vote. L’enjeu est immense. L’abstention, en net recul depuis 2012, est encore à 55,72%, malgré des efforts certains – mais qui restent insuffisants – de nos postes consulaires en matière d’ouverture de bureaux de vote supplémentaires. Le potentiel de voix est énorme. Ces centaines de milliers de bulletins pourraient faire pencher la balance.

Le week-end dernier, beaucoup ont fait 1h30, 2h voire 3h de queue devant le bureau de vote, certains bravant le froid et la pluie, et parfois après avoir franchi des centaines, voire des milliers de kilomètres pour atteindre les urnes. Dans un contexte où l’établissement des procurations demeure un parcours du combattant (par manque de tournées consulaires pour leur recueil mais aussi du fait de l’obligation de trouver un mandataire sur la même LEC et de la limitation à trois procurations par porteur), la mobilisation a été exceptionnelle. Reproduire le même effort au deuxième tour, puis lors des deux tours des législatives – pour lesquelles le vote électronique a été suspendu – risque d’être laborieux si le Quai d’Orsay ne s’implique pas pour réduire le temps d’attente dans les centres de vote.

La posture du ni-ni n’est pas tenable alors que le FN n’a jamais été aussi proche des portes de l’Elysée. Après le Brexit, après l’élection de Trump, ne nous laissons pas bercer par les sondages qui promettent une élimination de Marine Le Pen au second tour. Elle est très habile, c’est une bonne débatteuse, très expérimentée, et Macron est l’adversaire dont elle rêvait pour ce deuxième tour.

A tous ceux qui, dans l’hexagone et ailleurs, sont tentés par l’abstention, je veux rappeler l’effort fourni par ces Français de l’étranger qui bravent les kilomètres et les intempéries pour s’acquitter de leur devoir civique. Aussi désagréable que soit la sensation de glisser dans l’enveloppe un bulletin pour un candidat que l’on réprouve, n’oublions pas que tant que nos institutions démocratiques seront en place, la conduite de la France ne dépendra pas du seul bon vouloir du Président. C’est cette capacité d’action qu’il s’agit de préserver, et c’est pour cela que la mobilisation – et notamment pour les législatives- doit être sans précédent.