Mai 13 2011

Elections européennes, la reconquête du droit de vote depuis l’étranger

Le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen en discussion hier au Sénat vient enfin mettre un terme à une discrimination dont les citoyens français résidant hors de l’Union européenne étaient victimes depuis 2003, privés de fait par la régionalisation du scrutin de la possibilité de participer aux élections européennes. A l’époque, conseillère élue au CSFE, j’avais exprimé mon incompréhension et mon désarroi sur les conséquences désastreuses de cette réforme sur la participation des Français établis hors de l’Union aux élections européennes dans des articles parus dans La Croix en 2003 et dans Le Monde en 2004. Les Français résidant hors de l’Union ne pouvaient désormais plus voter depuis l’étranger comme ils le faisaient depuis les premières élections au Parlement européen en 1979, et comme ils le font toujours pour les élections nationales.
Si de nombreux Etats de l’Union limitent encore la possibilité de participer aux élections européennes à leurs citoyens résidant sur le territoire de l’Union, le Parlement européen et la Commission ont appelé les Etats à déterritorialiser les droits politiques des citoyens européens. Ainsi, dans son rapport du 29 juin 2007 , la Commission a repris une proposition du Parlement pour amender la directive 93/109/CE en ajoutant que « La citoyenneté de l’Union garantit les mêmes droits à tous les citoyens de l’Union européenne, que leur lieu de naissance ou de résidence se situe dans l’Union même ou dans un Etat tiers. Les institutions européennes doivent dons s’employer à garantir l’exercice des droits des citoyens de l’Union résidant dans un Etat tiers lors des élections au Parlement européen ». Cette prise en compte récente des implications de la citoyenneté européenne hors des frontières de l’Union pourrait laisser augurer d’une possible déterritorialisation des droits politiques des citoyens européens, la citoyenneté européenne s’émancipant alors de son cadre territorial pour conférer des droits politiques à l’extérieur des frontières de l’Union.

L’attribution de deux sièges supplémentaires à la France au Parlement européen par le Traité de Lisbonne aurait pu permettre que deux eurodéputés se consacrent aux intérêts des citoyens français ou européens résidant hors de l’Union. C’est en tous cas en ce sens que j’avais plaidé dès décembre 2009. La France qui avait été pionnière dans l’octroi du droit de vote à ses expatriés aurait pu initier une nouvelle forme de représentation de leurs intérêts à l’échelle européenne, suivant en cela les recommandations du Conseil de l’Europe.

Une telle décision aurait été en cohérence avec la révision constitutionnelle visant à ce que les Français de l’étranger soient représentés dans les deux chambres du Parlement. Comment ne pas trouver légitime une représentation au Parlement européen, alors même qu’ils sont les premiers artisans de la construction européenne, et les premiers affectés par ses enjeux, quel que soit leur pays de résidence, y compris quand celui-ci est hors de l’Union ?

Par ailleurs, la proposition faite en février dernier par l’eurodéputé britannique Andrew Duff de créer une liste électorale transnationale de 25 membres a retenu toute mon attention. Cette liste, comprenant des candidats proposés par les partis politiques européens et citoyens d’au moins un tiers des Etats membres et respectant le principe de la parité homme-femme insisterait sur les enjeux européens des élections au Parlement européen. Cette revendication de listes transnationales est d’ailleurs ancienne puisque dès le début des années 60, les Pères fondateurs de l’Europe voulaient privilégier « l’Europe des peuples » sur celle des Etats.

Etant donné les disparités qui existent encore entre les Etats de l’Union européenne concernant le vote des expatriés résidant hors de l’Union aux élections européennes et la position de la Cour de Justice de l’Union européenne qui les laisse maîtres de ce choix (voir l’arrêt Ewan et Sevinger du 12 septembre 2006), il serait extrêmement utile de créer une liste transnationale de candidats représentant les intérêts des citoyens européens du monde.

La nécessité d’une représentation des expatriés européens au Parlement européen se fera sûrement plus pressante lorsque la politique de la Communauté à l’extérieur de l’Union, notamment par le biais d’un renforcement de la protection diplomatique et consulaire, sera plus affirmée et plus claire. Les citoyens européens résidant hors de frontières de l’Union prendront alors la mesure des avantages de la citoyenneté européenne et en revendiqueront la plénitude, à commencer par une représentation spécifique au Parlement européen.